Lettre aux lecteurs suite à la fermeture de la librairie le 14 mars

Chers Amis Lecteurs,

La librairie a fermé ses portes depuis deux semaines maintenant.

Ce temps suspendu a ouvert une cacophonie de pensées qu’il s’agit peu à peu de transformer en symphonie.

Sous l’effet de la panique au moment de l’annonce du confinement, nous avons tout de suite songé à assurer un système de livraison ou de Drive, portés par vos si nombreux messages de soutien. Puis les centres de distribution ont fermé et nos coursiers mis à l’arrêt.

Aux côtés de la grande majorité de nos amis libraires, nous avons décidé depuis ce temps de maintenir la fermeture totale de la librairie et de ses services (commandes et livraisons). Pendant ce temps, Amazon poursuivait ses livraisons de livres, et lançait même une vague de recrutement pour soutenir l’accroissement de ses ventes en ligne… Cela nous a remué le ventre, on a eu des envies de pétitions, de révolte.

Devant l’indignation de la profession, le ministre de l’Économie a alors évoqué l’hypothèse d’une réouverture des librairies sous certaines conditions, affirmant que les librairies “sont effectivement un commerce de première nécessité.”

Chers amis, le sommes-nous vraiment ? Non.

Nous savons votre attachement unique à la librairie et aux livres, vous savez le nôtre. Mais la priorité était et reste notre santé collective, et nous ne souhaitons pas vous exposer et nous exposer en ne respectant pas le confinement. Nous espérons que vous comprenez notre choix.

Prenons alors le temps d’écouter nos pensées. Prenons le temps d’une respiration.

En voyant fleurir sur les réseaux sociaux quantité de livres numériques offerts, visites virtuelles de musées, journaux de confinement, activités en ligne pour enfants, nous avons ressenti comme un malaise … celui que la course ne s’arrête donc jamais, celle-là même qui entraine notre société moderne au cœur de cette crise. Nous n’arrivons pas à faire le vide, à nous laisser envahir de ce “rien”, à laisser les pensées affluer en nous. Nous n’arrivons pas à appuyer sur le bouton « pause », et à saisir peut-être une occasion unique de réfléchir vraiment à qui nous sommes, à ce que nous voulons vraiment.

Au fil des jours, notre approche de la librairie s’en trouve modifiée, il en émerge une réflexion de “slow librairie” (en résonance avec les mouvements qui proposent de ralentir, notamment le slow-food qui a émergé en Italie). Ralentir ne veut pas dire se mettre en retrait, c’est réfléchir à une dynamique vertueuse et porteuse de sens. Il est encore un peu tôt, dans notre esprit, pour vous en décrire tous les aspects, mais nous avons l’intuition qu’elle ouvre une nouvelle étape de La Suite.

Je souhaitais aussi partager avec vous l’arrivée prochaine d’un petit lecteur, dont le terme est prévu dans un peu moins d’un mois. Aux moments d’inquiétude concernant l’avenir, ceux où l’on se demande “comment on va gérer tout cela, notre bébé et la librairie à redresser ?” succèdent des pensées plus douces, celles qu’une naissance reste une chance, un miracle qui recentre instinctivement sur l’instant présent et l’essentiel.

Le soutien de l’équipe de la librairie, qui est en bonne santé, vos messages pour prendre de nos nouvelles, manifester votre présence, partager vos lectures du moment nous touchent beaucoup et sont d’un grand réconfort : nous vous en remercions très chaleureusement. Cela nous donne confiance, malgré ce fichu Covid-19, malgré la fermeture qui reste un crève-cœur, malgré Amazon.

Plus que jamais, resserrons les liens.

Je vous propose de partager vos lectures réconfort du moment, celles qui attendaient sans doute dans vos bibliothèques : poésies, essais, pensées, romans… Quelles sont les lectures actuelles qui vous touchent, vous aident, vous font réfléchir, celles dont vous prenez le temps de vous imprégner… ?

N’hésitez pas à m’écrire quelques lignes au sujet de ces lectures, les accompagner d’une photo si vous le souhaitez : je pourrai ainsi les partager pour tous les lecteurs sur le site de la librairie et sur nos pages Instagram et Facebook.

À la question : les jours sont-ils longs ?, laissons Jean Giono nous répondre “Non, les jours sont ronds. Nous n’allons vers rien, justement parce que nous allons vers tout, et tout est atteint du moment que nous avons tous nos sens prêts à sentir. Les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger, de les goûter doucement ou voracement selon notre nature propre, de profiter de tout ce qu’ils contiennent, d’en faire notre chair spirituelle et notre âme de vivre. Vivre n’a pas d’autre sens que cela.”

Chaleureuses pensées à tous, et à bientôt !

Lucile

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