Miracle à la combe aux Aspics
Dans les montagnes reculées de Croatie, personne ne s’aventure chez le vieux Aspic et ses quatre fils, sorte de bandits mal dégrossis qui ont la castagne et la gâchette faciles. Les factures ne sont plus payées depuis des décennies, et depuis que la mère est morte, la situation se dégrade : ils se nourrissent presque que de polenta (à défaut de savoir préparer autre chose) et se vautrent dans un mélange de saleté paresseuse et de fierté masculine. Même le curé, seul voisin respecté, en fait l’amer constat : cela manque cruellement d’une présence féminine, il faut donc à tout prix qu’un des fils ramène femme.
L’occasion fait le larron : l’aîné, tout à coup, retrouverait bien sa belle qu’il n’a pas vue depuis 15 ans.
L’entreprise s’avère plus complexe et dangereuse que prévue, surtout quand le chef de la police Goran Ciboulette est impliqué…
Que j’ai ri des mes(aventures) comiques de nos pieds nickelés qui ne souffrent d’aucun temps mort du début à la fin ! L’auteur, également scénariste, possède indéniablement le sens du rythme, des réparties qui fusent, des coups de théâtre irrésistibles, des personnages plus vrais que nature.
C’est barré juste ce qu’il faut, je vous garantis un moment de détente, d’évasion et de franche rigolade.
Miracle à la combe aux aspics, Ante Tomic, traduit du croate par Marko Despot, Noir sur blanc
La traversée de Paris
Tiens, encore un auteur de nature pessimiste à qui la vie n’a pas souri…et qui a écrit ce texte si ironique et résigné, éclipsé par sa célèbre adaptation en film et son duo Gabin/Bourvil.
Tenez, prenons la première phrase de ce court livre de 100 pages “La victime, déjà dépecée, gisait dans un coin de la cave sous des torchons de grosse toile, piqués de tâches brunes.”
Si victime il y a, elle est camouflée avec amateurisme : toute l’ironie est déjà là, avec cet effet dramatique et presque grotesque, la victime n’étant autre qu’une pièce de jambon à transporter clandestinement à l’autre bout de Paris, sous l’Occupation…
Déjà, on le sent, les ennuis couvent sous les torchons… Jambier le boucher attend Martin pour cette mission, mais celui ci n’arrive pas seul : il est accompagné de Grandgil, un type rencontré dans un café peu avant, à la fois ironique et menaçant, bref le genre de personnage dont on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon…
Les voici, duo inquiétant et ralenti par leur lourde charge, traversant Paris : “sous un ciel bas, dans le grand vent du nord qui soufflait sur le canal, vers la Seine, le jour semblait mourir de froid.”
Grandgil prend rapidement la tête des opérations… mais que cherche-t-il au juste ? Et quelles sont les pensées profondes qui habitent Martin ?
Ce texte, lu il y a quelques années, en quoi, même pas une heure ?, j’en garde pourtant un souvenir marquant. Le genre de livre où rien n’est en trop, tellement parfait qu’il semble le fruit d’une improvisation géniale et inspirée, un soir de désespoir. En matière de littérature, voici un bel exemple de comment faire court… et très grand.
La traversée de Paris, Marcel Aymé, Folio
Une saison douce
Dans un coin paumé de Sardaigne qui ressemble à “un western après le passage des méchants”, où le train ne passe plus, où les boutiques sont fermées depuis belle lurette, où même le curé n’habite plus, débarquent un jour les “envahisseurs”. C’est ainsi qu’on scrute et qu’on nomme, derrière les rideaux des maisons, ce groupe de réfugiés.
Que faire d’eux, dont la présence divise le village ? On discute, on se jauge… au moins, oserait-on dire, il se passe enfin quelque chose. Il faut dire qu’ici les femmes ont l’esprit vif, la langue bien pendue, et surtout l’instinct maternel ravivé depuis le départ de leurs propres enfants…
Une saison douce a des airs de vaudeville avec ses entrées, ses sorties, ses répliques théâtrales. On y croise entre autres le Pou (une épicière autrefois pauvre qui se donne désormais de grands airs), donna Ruth (la veuve du Maire, femme de la “haute”), le Professeur (un humanitaire coiffé d’une toque de cosaque)…mais aussi Tantine, Naïma…
J’ai retrouvé dans Une saison douce ce que j’avais tant aimé dans Sens dessus dessous : la douloureuse mélancolie et tristesse de certains personnages qui se mêlent à la joie de vivre sarde, impétueuse et profonde. Un fort joli roman pour adoucir la saison !
Une saison douce, Milena Agus, traduit de l’italien par Marianne Faurobert, éditions Liana Levi